Que pourrait signifier une augmentation du nombre de demandeurs d’asile pour le secteur de l’établissement d’Ottawa?
Contexte
Depuis le 1er juillet 2017, quelques 7 000 migrants ont traversé la frontière des États-Unis au Québec, afin de demander le statut de réfugié au Canada. Le nombre de personnes passant au Québec s’est beaucoup accru cet été. En juillet seulement, la GRC a intercepté près de 3 000 demandeurs d’asile alors qu’ils traversaient la frontière et 3 800 autres sont arrivés durant les deux premières semaines d’aout. Les citoyens haïtiens constituent la grande majorité de ces récentes arrivées, qui sont provoquées par un possible changement dans la politique américaine dont beaucoup craignent que cela ne signifie des déportations de masse des États-Unis.
Le Stade olympique de Montréal a été aménagé pour accommoder 600 personnes jusqu’à la mi-septembre. Des tentes ont été montées près de Saint-Bernard-de-Lacolle, à la frontière entre le Québec et les États-Unis pour faire face à l’arrivée importante de demandeurs d’asile. Des centaines d’entre eux ont été redirigés vers le Centre Nav à Cornwall, Ontario, où ils sont temporairement logés.
Voici une entrevue sur la situation actuelle avec Carl Nicholson, directeur général, Centre catholique pour immigrants (CCI):
Q. Combien de demandeurs d’asile le CCI aide en moyenne par année?
A. Chaque année, nous recevons un nombre régulier de demandeurs d’asile à Ottawa. Ces demandeurs viennent, soit à travers les frontières pédestres, soit ils arrivent par la voie aérienne. Nous avons vu le nombre de demandeurs d’asile continuait à augmenter depuis 2013. Durant l’année fiscale 2015-2016, le CCI a vu 1 350 demandeurs d’asile. Ottawa semble attirer plus de demandeurs d’asile que d’autres villes de taille similaire.
Q. Combien de demandeurs d’asile le CCI a-t-il desservi cette année?
A. Plus souvent qu’autrement, le CCI est un des premiers arrêts pour les demandeurs d’asile. Nous voyons le plus gros des demandeurs d’asile à Ottawa. Cette année, nous avons vu une augmentation du nombre des demandeurs d’asile. Entre le 1er janvier et le 11 aout 2016, nous avons desservi 332 demandeurs d’asile et sur la même période cette année, nous en avons assisté 503.
Q. Est-ce que parmi les nouveaux demandeurs d’asile d’Haïti, certains viennent à Ottawa?
A. Dans les deux dernières semaines, nous avons compté 73 demandeurs d’asile haïtiens. Beaucoup d’Haïtiens dans la région d’Ottawa vivent du côté québécois. À bien des égards il y a plus d’opportunités pour eux à Montréal. Par exemple, il n’y a pas de bureau de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié (CISR) à Ottawa, donc les demandeurs d’asile doivent se rendre à Montréal pour leurs audiences. Le bureau de la CISR a fermé ses portes à Ottawa en 2014. La plus grande diaspora haïtienne au Canada se trouve à Montréal (Plus de 100 000 résidents de Montréal sont nés ou ont de la famille en Haïti. Selon Statistique Canada, 90% de tous les Haïtiens au Canada vivent au Québec, 8% en Ontario.) Les Haïtiens qui sont bilingues ont clairement un avantage à Ottawa.
Q. Quelles sont les perceptions erronées les plus importantes concernant ces arrivées?
A. Il y a beaucoup de fausses informations qui circulent dans la communauté haïtienne au travers des médias sociaux. Le gouvernement fédéral essaye actuellement de rectifier ces informations en travaillant avec la communauté haïtienne ici et aux États-Unis, afin qu’ils comprennent que bien que le Canada accueille des réfugiés, il existe un processus légal et nous sommes un état de droit. Au CCI nous avons reçu des demandes de personnes à Montréal concernant l’établissement de demandeurs d’asile haïtiens à Ottawa et nous leur avons donné notre honnête opinion sur la question. Il y a une perception erronée dans l’opinion publique que nous allons être inondés de monde. Cette appréhension d’un flot massif et accru de demandeurs d’asile au Canada est en partie due au fait que nous avons été témoins de l’exode massif des réfugiés syriens en Europe. Une autre perception erronée est que notre gouvernement aurait laissé tous les Haïtiens touchés par le séisme de 2010 rester au Canada. L’amnistie de notre gouvernement envers ce groupe de demandeurs d’asile haïtiens s’est arrêtée l’année dernière. Selon IRCC, en 2016, la moitié des demandes d’asile faites par des citoyens haïtiens ont été rejetées, et les demandeurs d’asile ont été obligés de quitter le pays.
Q. Pourrait-il y avoir d’autres afflux de migrants au Canada?
A. Il y a des personnes avec des statuts temporaires de plusieurs pays qui résident actuellement aux États-Unis, et pour lesquels l’administration américaine semble vouloir mettre fin à leur statut temporaire. Nous devons apprécier le fait que notre gouvernement prenne des mesures pour s’assurer que nos processus d’immigration sont suivis par tous les demandeurs d’asile. Lire cet article dans les nouvelles pour plus de détails sur la planification gouvernementale en ce qui concerne des arrivées potentielles de migrants.
Q. Que peut-on apprendre de cet afflux récent de demandeurs d’asile?
A. Nous ressentons les impacts des dernières coupures du gouvernement fédéral en ce qui concerne les capacités de la CISR, qui s’est traduit par un manque de juges et des fermetures de bureaux dans les dernières années. Cela peut prendre plusieurs années pour que la demande d’un demandeur d’asile soit entendue par le CISR. Bien que le fédéral travaille pour augmenter les capacités de la CISR afin de diminuer les temps d’attente, cette situation révèle au grand jour le problème du retard du traitement des demandes de la CISR et des cas légaux. L’afflux de demandeurs d’asile attire aussi l’attention sur l’Entente entre le Canada et les États‑Unis sur les tiers pays sûrs. Cette entente a fait en sorte que les demandeurs d’asile évitent les points d’entrée au Canada et, au contraire, traversent de façon illégale les frontières.
Q. Comment un tel afflux de demandeurs d’asile pourrait avoir un impact sur Ottawa?
A. Les économistes comprennent le tsunami gris qui frappe notre pays et le fait que nous avons besoin d’immigrants pour soutenir notre pays. Les petites communautés se meurent. Le message selon lequel nous avons besoin d’immigrants commence à rentrer. Plutôt que de voir cet exode de manière négative, je crois que les autorités à Montréal comprennent le capital humain potentiel qu’offre cette arrivée de demandeurs d’asile haïtiens. Cela pourrait être une opportunité pour le Québec, car les Haïtiens sont bien intégrés au Québec et la plupart de ces demandeurs d’asile ont vécu aux États-Unis pendant quelques années. Le Québec voudrait peut-être garder autant de ces personnes que possible.
Q. Quelles ressources seraient disponibles si un tel afflux arrivé ici? Est-ce qu’Ottawa est prête?
A. Ottawa n’est pas préparée et le logement serait le plus grand défi. Nous avons un problème en ce qui concerne le logement abordable dans notre ville et nous avons pratiquement utilisé toute notre réserve de logements de transition. Nous n’avons pas assez de logement de courte durée. Quand les réfugiés syriens sont arrivés en 2015-2016, au début nous les avons logés dans des hôtels. Cette année serait un défi encore plus grand car la plupart des hôtels sont pleins à cause des célébrations du 150e anniversaire du Canada.
Q. Quels sont les plus grands besoins des demandeurs d’asile?
A. Les demandeurs d’asile ont besoin de logements. Ils veulent travailler et avoir un salaire qui leur permette de vivre, étant donné que l’assistance sociale ne couvre pas grand-chose. Ultimement, ils veulent savoir ce que sera le destin, alors qu’ils attendent que leur cause soit entendue par la CISR.
Q. Quel rôle devrait jouer le PLIO dans un tel afflux de demandeurs d’asile?
A. Le rôle du PLIO devrait être de s’assurer que le problème soit sur le radar et d’agir comme un rassembleur – en gros de rassembler tout le monde autour de la table pour qu’on puisse planifier. Le PLIO peut voir les lacunes dans les services, mais a besoin des bonnes données. Le PLIO peut aider les intervenants (ceux qui ont un intérêt dans le succès des nouveaux arrivants) à coopérer et à collaborer dans nos façons de penser et notre préparation pour les possibles scénarios.
(Le 25 aout 2017, le PLIO a organisé une rencontre avec les responsables du secteur de l’établissement pour discuter de la dernière vague de demandeurs d’asile).